Volontariat, du rêve à la réalité


EDITORIAL

« Du rêve à la réalité », ce pourrait être la devise de tout membre d’INTERCORDIA. Car enfin, la Charte, dont l’ambition est de susciter et de construire la paix autour de nous, partout dans le monde, ne formule-t-elle pas un rêve inaccessible, une pure utopie ? Et pourtant c’est bien ce rêve, fondé sur la conviction de notre commune humanité, auquel nous adhérons tous et qui oriente et donne sens à notre action.

Cette newsletter voudrait être la trace de ces chemins, individuels et collectifs, que nous parcourons tous pour donner corps à ce rêve, avec enthousiasme et détermination, comme j’ai pu le constater dès mon arrivée à Intercordia.

Que nous soyons cordialistes, tuteurs, universitaires, partenaires associatifs ou amis, si les chemins qui nous confrontent au réel sont tous différents, tous interrogent nos repères, nos connaissances, nos comportements.

Changer le monde devient possible quand nous acceptons de nous déplacer, de changer notre regard pour changer nous-même et découvrir l’autre. C’est sans doute la plus belle révélation que nous offre INTERCORDIA et qui permettra au rêve de devenir réalité.

 

Françoise Laroudie, Présidente d'Intercordia


PARUTION INTERCORDIA

"Réconcilier rêve et réalité", livre publié par Intercordia dans sa collection “Trésors cachés de l’expérience Interculturelle”, à recommander aux candidats au départ en mission de solidarité...comme aux tuteurs appelés à les accompagner !

Désir de servir, de donner de soi et de son temps, besoin de se sentir utile, telles sont les motivations qui animent la plupart des jeunes partant en mission de solidarité en France ou à l’International. Avant le départ, chacun imagine ce qu’il va trouver à son arrivée, le cadre nouveau qui sera le sien, son propre rôle et la façon de le remplir. Ainsi se forment naturellement et se nourrissent des rêves que, le moment venu, la confrontation avec les réalités du terrain va parfois démentir, créant un malaise et suscitant des interrogations. Lorsque les difficultés surgissent, dès l’arrivée ou au fil des mois de la mission, la tentation peut alors être grande de renoncer à s’investir ou même à poursuivre l’expérience.

Cependant, elles offrent aussi le plus souvent l’opportunité de réagir, réfléchir et trouver des raisons de persévérer pour mener cette expérience jusqu’à son terme avec profit. Quatre jeunes témoignent ici de ce qu'ils ont vécu, des difficultés qu'ils ont dû affronter, et des réponses qu'ils ont su trouver, chacun montrant qu'il est possible de retirer un bénéfice personnel durable de situations réelles parfois éloignées de celles imaginées avant le départ. 

EXERCICE DE L'AUTORITE ET INTERCULTURALITE

Premier objectif du volontaire à son arrivée dans une ONG: « Se mettre d’accord sur la finalité  de la mission et trouver sa place ». Un article rédigé par Gilles Le Cardinal, co-fondateur d'Intercordia. 

Depuis Aristote, nous savons que tous les êtres humains recherchent le bonheur. Le volontaire qui s’engage dans une ONG espère s’en rapprocher en donnant ainsi du sens à sa vie. Or chaque être humain est porteur de cultures familiale, régionale, nationale qui sont intégrées dans une culture personnelle « unique ». Nous sommes donc tous « unique », mais aussi malheureusement tous «  défaillant » ! Toute rencontre fait donc apparaître des différences de personnalités, de  projets, de valeurs, de cultures et des défaillances multiples avec lesquelles il va falloir vivre…Une condition de réussite de l’intégration d’un volontaire dans une ONG est donc un temps d’écoute et d’observation participante.

En effet, la représentation de la mission de l’ONG n’est pas la même chez son responsable, faite d’expériences et de réalisme et chez le volontaire, issue de ses rêves, de son imagination et de son idéal. Il va donc falloir s’ajuster. Cela ne peut se faire qu’à la suite d’un échange approfondi en équipe, et si possible avec le responsable de l’ONG, sur la finalité de la mission, qui constitue la source d’unité de tous ceux qui y collaborent. Reformuler tous ensemble la finalité de la mission est le ciment d’une équipe et donne son sens aux actions à réaliser ensuite. Une finalité, et une seule, qui dépasse la diversité des objectifs propres à chacun qu’il est important de connaître aussi, car chacun agit pour atteindre ses objectifs personnels. Il est indispensable d’apprendre à vivre avec la diversité de ces objectifs, car ils peuvent être complémentaires, partagés, mais aussi antagonistes et sources de conflits.

Cette phase d’observation permet au volontaire d’approfondir sa compréhension de ce qui fait la raison d’être de l’ONG, de  son histoire et de son mode de management et de bien comprendre les raisons qui ont conduit  l’organisation à la façon dont elle fonctionne aujourd’hui, sans volonté de la changer. Rechercher alors sa juste place et adapter son attitude aux exigences de la mission et aux attentes de celui qui exerce l’autorité, identifier le caractère propre de chaque équipier, sont les premières attitudes facilitant l’intégration du volontaire.

TEMOIGNAGES

Chaque Cordialiste éprouve différemment ce passage du rêve à la réalité, de la mission rêvée à la réelle rencontre de l'autre. 

Marine (sur la photo), actuellement en mission en Egypte, à Al Qusiyah, dans le gouvernorat le plus pauvre d'Égypte. Elle est infirmière de formation et soutient  la communauté des Filles de la Charité dans les activités du dispensaire tout en participant aux actions à destination des plus démunis : visite, aide alimentaire/vestimentaire, projets de rénovation... Marine raconte ainsi : " Étant originaire du Vietnam, j'avais initialement comme projet de me rendre dans mon pays natal [...]. Le hasard m'a finalement conduite en Haute-Égypte. Ce coup du destin est pour moi une aubaine, car je vis comme "les gens d'ici" : j'apprends à connaître les personnes locales, et par elles, c'est toute une nouvelle culture qui m'offre ses merveilles." Marine continue ainsi "J'ai découvert le cœur de ma mission quelques jours après mon arrivée à Al Qusiyah, lors de ma première visite auprès des familles les plus pauvres de la ville. Ce que j'ai vu m'a bouleversée : des foyers au mobilier sommaire, sur un sol de terre battu, avec des vaches derrière ce que nous appelerions "salon"... La réalité m'est brutalement apparue : j'allais côtoyer la pauvreté pendant près d'une année, loin de tous mes repères. [...] Aujourd'hui, c'est mon quotidien, je vis avec ces gens et je les aime.".

 

Camille Costa se souvient quant à elle dans son mémoire : "Avant de partir j'ai bien pensé à mon projet, nourrie par des paysages de cartes postales et des témoignages d'anciens volontaires, c'est le voyage rêvé,

En arrivant en Colombie, j'ai surtout éprouvé un milliard d'émotions, emportée par le tourbillon de la vie, c'est le voyage vécu.

En faisant l'expérience de mes limites j'ai ressenti la confrontation entre ces deux voyages et j'ai fait mienne de la phrase du père Raguin :

« En partant il faut tout mettre sur son âne, tout ce qu'on possède et partir avec tout ce qu'on est, il faut tout prendre, les grandeurs et les faiblesses, les grandes espérances, les tendances les plus basses et les plus violentes, tout, tout, car tout doit passer par le feu. » J'ai noté que mes objectifs du départ, me sentir utile, vivre l'expérience de la rencontre et mieux me connaitre sont reliés les uns aux autres, interagissent et se sont enrichis. J’ai expérimenté combien la rencontre de l’autre aide à se sentir utile, à trouver sa place. Ainsi j’ai appris à mieux me connaitre avec mes capacités et mes limites et à vivre davantage l'expérience de la rencontre." Camille Costa

 

LETTRE A UN VOLONTAIRE

Depuis quelques mois tu t'imagines au bout de la Terre, à la rencontre du plus fragile. Tu rêves de pays lointains, de dépassement de soi, tu as trouvé avec Intercordia le chemin qui te permet de réaliser ton rêve. Tout va bien ! La formation t'a donné des ailes….

 Souvent tu es très bien accueilli et tes premières impressions t'emballent, ou du moins collent à tes attentes. Tu te familiarises avec ton nouvel environnement, tu observes autour de toi avec la bienveillance qui t'habite, tu tisses des liens, tu trouves ta place dans la mission. Pourtant peu à peu tes yeux s'ouvrent à la réalité. 

Les conditions de vie sont peut-être plus difficiles que ce que tu avais imaginé, la barrière de la langue te coupe les ailes, les contours de la mission te paraissaient clairs mais s'avèrent plus confus, tu commences à comprendre les difficultés que vivent les personnes accueillies, leur détresse, peut-être ressens-tu violemment l'injustice et ton impuissance.

Courage ! Tu portes avec toi ton enthousiasme, ta ténacité, ta curiosité, ta fierté de pouvoir surmonter les difficultés. L'écoute bienveillante de ton tuteur, le souvenir de la formation au départ sont autant de petites pierres sur ton chemin parfois glissant, tu te souviens que l'intercordialité met en œuvre à la fois l'intelligence et le cœur, tu utilises ton intelligence pour comprendre des représentations du monde divergentes, tu laisses parler ton cœur pour voir "ce qu'il y a de beau de grand, d'humain dans ce que l'autre te laisse voir de lui".

Tu expérimentes la confiance, peu à peu tu te libères de la peur de ne pas être légitime, tu reconnais enfin ta place, différent et solidaire à la fois.

 Cette vie avec le plus faible, le déshérité, tu t'y es engagé, et tu comprends que le doute fait partie de la grandeur de l'existence. Au-delà de ce qui apparait comme l'absurdité du monde tu découvres une mystérieuse beauté, celle de la relation entre des êtres si éloignés qui œuvrent ensemble.

NOS PARTENAIRES

Vivre un volontariat de solidarité en France, une mission rêvée ? Quand un jeune évoque son envie de partir se rendre utile au monde, l’image de pays exotiques vient naturellement en tête. Pourtant on peut partir à la rencontre de l’autre au plus près de chez soi, et cette rencontre est souvent bouleversante.

Les plus belles missions de solidarité peuvent se trouver en France. La crise sanitaire actuelle qui bride cette année encore nos rêves d’aventures, nous force à regarder nos champs d’actions locaux. Ainsi, Intercordia a particulièrement souhaité nouer des liens avec de nouveaux partenaires français, comme les Apprentis d’Auteuil, qui œuvrent en faveur des familles et des jeunes fragilisés, ou encore L’Arche en France, qui propose à des jeunes de partager une vie communautaire avec des personnes en situation de handicap. Chaque année de nombreux jeunes, en service civique notamment, s’engagent avec ces associations au service de leurs concitoyens. Cette expérience est courageuse et participe pleinement au développement de relations pacifiées dans notre société. Nous accompagnons et formons ainsi de jeunes cordialistes à une mission de solidarité nationale, qui transforme et façonne des citoyens éclairés et engagés.

Olivier Le Breton est un ancien Cordialiste qui a validé le Diplôme Universitaire de Solidarité Internationale de l’ICP. En service civique dans un foyer de l’Arche en France, où vivent des personnes porteuses de handicaps mentaux et physiques, il témoigne de son expérience bouleversante dans son mémoire de fin d’étude :« L’Arche est un lieu d’accueil, de fête et de partage. Le concept est relativement simple : vivre en fraternité […] tels que nous sommes […]. Ce n’est peut-être pas le schéma de vie dont on pourrait rêver au premier abord. Le monde ne nous pousse pas à un tel engagement. C’est vrai que, vu de loin, cette vie avec les personnes fragiles peut paraitre lassante, plate, routinière. Mais j’ai trouvé que c’est une vie saine, dans laquelle on est invité à découvrir ce qui est plus vrai, plus profond, plus humain. […]Pas de blingbling, pas de superflu ; seulement de l’humanité à l’état brut. De l’humanité que je dirais « humanisante », elle recharge les batteries de notre coeur, cette humanité-là !».

 

Si comme Olivier, vous souhaitez décoller pour la France et valoriser votre volontariat par un diplôme universitaire, contactez-nous !

LECTURE

C’est, sur la théorie de Darwin, la loi de la sélection naturelle, qui a eu pour résultat l’élimination des faibles au profit des forts, fin XIXème, que nos sociétés occidentales se sont développées. Quelques années plus tard, le prince anarchiste et géographe Kropotkine, conteste cette théorie et déclare que pour survivre, la condition essentielle est l’entraide. Concept ignoré pendant des décennies.

 

Pourquoi ce concept d’entraide est-il tombé dans l’oubli ? Pourquoi l’avoir laissé dans l’ombre alors que nous savons que les êtres vivants s’entraident depuis la nuit des temps ? 

Telles sont les questions que posent Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, dans "L’Entraide, l’autre loi de la jungle" (Editions Poche, Les liens qui libèrent). Grand champ d’investigation auquel les auteurs s’attellent en faisant un état des lieux transdisciplinaire, depuis l’éthologie jusqu’à l’anthropologie en passant par l’économie, les neurosciences…

 

Livre passionnant qui décortique, au cœur du vivant, les fondements de l’entraide, ses effets positifs mais aussi ses possibles dérives, les conditions qui en permettent son développement, les facteurs qui font qu’aujourd’hui après des millions d’années, ce monde vivant continue de croître.

Avec la pandémie qui, non seulement paralyse nos vies, mais diffuse de fausses rumeurs et suscite des peurs, connaître les mécanismes de l’entraide est essentiel pour reconstruire de la confiance, de la réciprocité, du bien commun.

 

« Notre époque n’est plus à l’entraide, et paradoxalement, elle n’en a jamais été aussi friande », écrivent les auteurs en tête de l’avant-propos.

Et qu’en est-il du binôme compétitivité-entraide ? Peut-il fonctionner ? Oui, disent-ils  si nous considérons « le vivant comme le résultat d’un équilibre entre…deux forces contraires intimement liées et qui n’ont pas de sens l’une sans l’autre….Mais, pour cela, il faut d’abord comprendre l’autre côté du miroir ». Lisez ce livre qui vous donne le sentiment d’être en connexion avec la toile du vivant, le plaisir de ne plus vous estimer ingénu ou naïf, la joie d’apprendre et de comprendre les subtils rouages de l’entraide.

 

Un article écrit par Françoise Ziegler, tutrice Intercordia