Pas si simple le retour de mission ! Si l’on en croit le témoignage de nombreux cordialistes. Loin d’être le point final d’une expérience, il se révèle le point de départ d’un autre voyage, un voyage intérieur qui se développe au fil du temps, dans la durée, qui seule permettra d’en comprendre la fécondité effective.
Ce sont les différents temps de ce voyage que cette newsletter se propose d’illustrer.
Le temps des émotions tout d’abord, lors du retour dans son pays d’origine, marqué par les décalages de tous ordres provoqués par le choc des cultures, celle que l’on vient de quitter et celle que l’on retrouve. Bref, un temps d’épreuve, de déstabilisation, parfois de souffrance où il est important d’être soutenu, voire accompagné comme les sessions retour d’ITC s’y emploient.
Puis peu à peu, c’est le temps de la réflexion nourrie notamment par l’écriture, plus spécialement celle du mémoire qui permet une relecture de l’expérience. Un temps de prise de recul, un temps de construction de soi pour intégrer les transformations vécues.
Enfin, à lire le témoignage de cordialistes quelques années plus tard, il est clair que l’expérience Intercordia a orienté leurs choix personnels, académiques ou professionnels, façon de redonner aux autres ce qu’ils ont reçu. Et c’est sans aucun doute cela le véritable retour, et la véritable mission d’Intercordia !
Françoise Laroudie, Présidente d'Intercordia
Que de déplacements intérieurs chez le jeune qui s’engage dans le parcours Intercordia !
La formation de deux semaines d’abord, qui propose une vision nouvelle de l’être humain et de multiples conseils pour bien vivre les changements de culture, et de représentation du monde.
La mission sur le terrain est un deuxième bouleversement, car chacun va y découvrir, en les vivant cette fois, d’autres mœurs, d’autres usages, d’autres valeurs, d’autres saveurs, d’autres musiques, d’autres façons de vivre ensemble. Chacun croit alors avoir fait le plus dur en s’adaptant à ces nouvelles réalités qui lui a permis de passer de la mission rêvée à la dure réalité du terrain[1]. Or voici que survient le retour dans son pays, dans sa propre culture, dans son entourage familial et amical. Ce qui fait problème, c’est que ses proches, eux, n’ont pas changé, quand tout a radicalement évolué dans la tête du cordialiste. Une profonde distance s’est instaurée. On ne s’intéresse que très peu à ses découvertes, on se fatigue rapidement des remises en cause de la façon de vivre en France.
Alors deux tentations, ou mauvaises pratiques, se présentent après le retour :
- Mettre entre parenthèse cet épisode de vie pour réintégrer sa vie d’avant, sans trop se poser de questions.
- Remettre en cause en permanence sa famille, ses amis, sa culture parce que personne ne se rend compte que le mode de vie français ne tient pas compte des souffrances des autres populations du monde qu’il a côtoyées et dont il se sent aujourd’hui solidaire.
Quelles attitudes intermédiaires serait-il bon de prévoir et d’adopter ?
L’écriture du mémoire est une première réponse, car elle permet une prise de recul sur son expérience, en revisitant les étapes vécues pendant la mission, les découvertes faites sur la personne humaine vivant dans une autre culture, la richesse des rencontres et des amitiés qui l’ont transformé. Cet effort, plus ou moins difficile à réaliser selon les personnalités des cordialistes, permet de reprendre la main sur ses ressentis qu’ils cherchent alors à mieux comprendre et qui leur posent de nouvelles questions.
La soutenance orale de ce travail permet d’approfondir cette réflexion et d’obtenir un avis extérieur plus objectif sur la pertinence et l’intérêt du mémoire. En fait, un travail est en train de se faire, consciemment ou inconsciemment, au sein du cordialiste ,pour savoir qui il est vraiment, quelles sont les valeurs qu’il a appréciées et qu’il a envie de faire siennes, quels sont les habitudes de là-bas à adopter et celles dont il doit faire son deuil, car inadaptées à la vie en France. Il est clair que la représentation du monde qu’il avait avant de partir et qu’il a du modifier sur le terrain, doit être, une nouvelle fois, remise en cause. Chacun doit donc travailler à répondre aux nouvelles questions suivantes :
- Quels sont les apprentissages, réalisés sur place, qui lui donnent de nouvelles capacités pour sa vie relationnelle et professionnelle, et qui l’ont rendu heureux là-bas ? Comment mettre en question sa formation, soit en poursuivant les études commencées avant le départ, soit en envisageant une nouvelle orientation. Comment mettre en valeur cette année humanitaire dans mon curriculum vitae ?
Le travail d’écriture, depuis le journal quotidien, les rapports d’étonnement, le mémoire et la préparation de la soutenance sont d’une grande aide pour apporter des réponses à ces questions.
En vérité, le vrai retour ne s’effectue pas simplement en reposant les pieds sur le sol français, mais lorsqu’on fait le travail intérieur dont nous avons essayé ici de préciser le contenu et l’importance.
Gilles Le Cardinal, Co-fondateur d'Intercordia
[1] Réconcilier rêve et réalité, col « Trésors cachés de l’expérience interculturelle », à commander à Intercordia
Nous avons interrogé Marion et Sophie, 2 cordialistes, pour évoquer avec elles leur retour dans ses différentes temporalités : à court terme, moyen et long terme . Elles nous parlent de leur ressenti au retour en France, du regard qu’elles portent sur la société, et de leurs projets pour les années à venir. Elles nous expliquent en quoi leur expérience Intercordia est pour elles un tremplin personnel et professionnel.
Au terme de votre mission, vous voici rentrées chez vous. Pouvez-vous nous exprimer les impressions et les sentiments qui vous ont habités lors de votre retour ?
Sophie :
C’est assez étrange, tout nous semble décalé, comme dans un rêve. On ne sait d’ailleurs pas trop si c’est le moment présent ou ce que l’on a vécu qui est le rêve.
J’appréhendais beaucoup ce retour. Le plus dur, c’est que les questions que l’on nous pose sont assez superficielles. C’est difficile de partager nos émotions et comment celles-ci nous ont profondément transportés sur le moment. Finalement, c’est le fait que mes parents soient venus me voir qui a permis d’exprimer cette expérience. Ils expliquaient avec la passion des voyageurs de court terme le Cambodge qu’ils avaient découvert, alors que je ne réussissais pas à transcrire mon expérience, trop imprégnée de multiples émotions
Marion :
Après avoir passé six mois en Inde du Sud, à travailler sur des programmes de microcrédit à destination de femmes en milieu rural, je me suis sentie déphasée en rentrant à Paris. Le klaxon des tuk-tuk, l’odeur des fleurs dans les marchés, les temples, les vaches dans la rue, les couleurs chatoyantes des saris, les temples, le sourire des femmes dans les villages... tout cela me manquait énormément. J’étais dans une phase de deuil, difficile mais nécessaire.
A votre retour, comment avez-vous ressenti l'accueil de vos proches ?
S : J’ai culpabilisé de cette tristesse qui me suivait, je craignais de décevoir ma famille qui était très heureuse de mon retour. J’ai beaucoup pris sur moi et je me suis relancée immédiatement dans plusieurs projets en France pour ne pas me laisser gagner par la mélancolie.
M : J’ai ressenti une immense gratitude pour mes parents, qui m’ont toujours fait confiance et soutenue dans mes projets. Ma mission en Inde du Sud s’inscrivait dans le cadre d’une année de césure entre ma licence et mon master, afin de mûrir mon projet de vie personnelle et professionnelle. Je suis rentrée grandie de cette expérience et j’ai senti que mes parents étaient heureux et fiers de moi. Cela m’a beaucoup touchée.
Vous avez retrouvé votre vie d'avant, votre regard sur notre société a-t 'il changé ?
S : je pense qu’on prend plus facilement du recul sur les choses. J’ai repris des études de relations internationales à mon retour et ça m’a permis d’appréhender différemment de grands enjeux avec une meilleure ouverture à des situations de terrain et des cultures très différentes. Ce sont des clés de lecture qui permettent une analyse plus fine, plus nuancée, on revient moins catégorique. Et j’aime encore plus mon pays. J’adore voyager, mais je suis très fière d’être Française et je partage mon amour de mon pays autant que je peux.
M : Oui. Le regard que je porte sur la société française est devenu plus exigeant, engagé, militant. J’ai développé une sensibilité plus forte aux discriminations, aux vulnérabilités humaines, aux inégalités de genre. Ma volonté d’aller travailler en Inde auprès des femmes intouchables et de basses castes n’était pas anodine, j’en ai pris conscience à mon retour.
Avez-vous éprouvé des difficultés à vous positionner dans votre nouveau parcours de vie ?
S : Disons qu’une fois cette expérience vécue, il faut absolument trouver quelque chose qui fasse sens pour nous, en cohérence avec les réflexions et émotions vécues. C’est tellement marquant que faire une croix dessus pour partir dans un projet sans aucun sens ni lien rendrait très dur le parcours. Cette réflexion et cette alignement interne est strictement personnel, le tout est d’être en adéquation avec nous-mêmes et ce qui est important pour nous
M : Non, au contraire. Ma mission en Inde, entreprise dans le cadre d’une césure dans mes études, m’a permis de conforter ma volonté de travailler dans le secteur de la société internationale. Elle m’a donné la force, la confiance, l’assurance de poursuivre dans cette voie, de croire en mes aspirations.
La session retour et l'écriture de votre mémoire ont sans doute été des étapes clés dans la réadaptation à votre environnement, Avez-vous éprouvé des difficultés à vous réinsérer dans une posture universitaire ?
S : Le mémoire a été essentiel pour moi, je l’ai écrit en grande partie dans le pays car ma mission durait dix mois et que j’ai cherché des témoignages de Khmers sur place. Il a eu beaucoup d’impact sur l’approfondissement de ma découverte culturelle du pays et de son peuple. La réinsertion s’est donc bien passée parce que je n’ai pas réellement arrêté, au contraire, j’étais deux fois plus en apprentissage pendant ma mission. Ma seule frustration, c’est le peu de reconnaissance que les écoles ont donné à ce diplôme alors qu’il constitue pour moi un élément précieux et incontournable de mon parcours
M : Je ne pouvais pas concevoir de revenir à une posture strictement universitaire après ma mission durant laquelle je travaillais sur le terrain, dans les villages. J’avais soif de nouvelles réflexions universitaires, d’apprentissages théoriques mais je souhaitais les conjuguer avec la pratique. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de poursuivre mes études en alternance.
Votre expérience de mission de coopération a-t 'elle influé votre orientation professionnelle ?
S : Énormément. Tout d’abord parce que mes questionnements sur la réconciliation du peuple Khmer m’ont amenée à aller chercher la source du problème. Il s’en est découlé deux choses : je suis aujourd’hui spécialisée en gestion de crise et également officier de réserve pour l’armée de terre. En effet, le milieu militaire étant le premier confronté aux conflits, leur vocation de protection des populations et de rétablissement de paix m’ont amenée à m’engager à mon tour.
De plus, j’ai conservé une appétence forte pour l’Asie que je souhaite développer comme zone de spécialité.
M : Oui tout à fait. Cette mission a été fondamentale pour la suite de mon parcours car elle a confirmé ma volonté de poursuivre dans le secteur de la solidarité internationale. Forte de l’expérience de terrain, je me suis sentie plus légitime à évoluer dans ce secteur. La dimension genre, centrale dans le cadre de ma mission, m’a également permis d’acquérir un angle spécifique dans ce champ très large qu’est la solidarité internationale.
Avez-vous pu intégrer le monde de l'entreprise en gardant vivant le souvenir de votre expérience ?
S : L’expérience à l’étranger est une réelle plus-value dans le domaine des relations internationales, surtout une expérience professionnelle et non de stage. C’est plus rare, plus original. Travailler comme manager dans une ONG m’a fait développer des compétences transversales qui sont recherchées. Mon travail de réserviste au sein de l’État-Major des Armées aborde beaucoup les questions d’interculturalité, et chaque expérience compte dans ce domaine.
M : Oui tout à fait. Dans le cadre de mon master en coopération et action humanitaire à l’ESCD 3A, j’ai réalisé une alternance au sein de la fondation d’entreprise Monoprix. Au sein du département RSE, je coordonnais les dons de marchandises et assurais le suivi de projets associatifs visant à rompre la solitude en ville. J’ai ainsi retrouvé dans cette alternance la dimension vulnérabilités humaines qui m’anime profondément et qui était au cœur de ma mission en Inde. A l’issue de cette première expérience, j’ai rejoint une ONG (Friendship) qui met en œuvre des programmes de développement et d’aide humanitaire au Bangladesh. Le lien avec mon expérience en Inde était évident.
En quoi Intercordia est-elle un tremplin académique, professionnel et personnel ?
S : Le cadre bienveillant apporté à chaque cordialiste lui donne l’espace pour s’épanouir de la manière qui lui correspond le mieux. Intercordia offre la chance aux jeunes de s’ouvrir une fenêtre sur un monde bien plus vaste et riche que celui que l’on connaît. Si on apprend à regarder dehors, on a envie d’aller ouvrir la porte. L’étranger est une opportunité unique pour les jeunes, être ouvert à l’apprentissage de cet inconnu avec les clés offertes par Intercordia nous transforme et nous donne la capacité d’atteindre les étoiles.
M : L’expérience Intercordia permet de prendre conscience des thématiques qui nous animent profondément, de vivre une mission en cohérence avec ces dernières, et de s’appuyer sur cette colonne vertébrale pour entrevoir son parcours académique, professionnel et personnel avec une plus grande clarté, lucidité, détermination.
Le retour est une étape importante qui fait partie intégrante de la mission et de sa « réussite ». Que faire de ma mission, comment l’intégrer à mon parcours ? C’est une question que se posent tous les volontaires et à laquelle nous tentons de répondre avec l’aide de nos partenaires universitaires lors des séminaires de retour. Le rôle de ce temps de rencontre et de travail après la mission de terrain, est d’accompagner les jeunes sur le plan personnel, académique et professionnel.
Au programme de ces séminaires : retour sur l’expérience de terrain de chacun, partage sur la manière dont ils vivent leur retour (émotions, relations aux proches, etc). Nous leur donnons également des clés d’analyses des compétences qu’ils ont acquises : les hard skills, soft skills et mad skills tant prisées des recruteurs aujourd’hui ; et nous réfléchissions ensemble à leur valorisation sur un CV.
Lors de ces séminaires nous passons un certain temps sur la Méthodologie de l’écriture de leur mémoire et de sa soutenance. Comment formuler un problème, une question et élaborer un raisonnement construit pour y répondre ? Comment présenter et incarner mon travail à l’oral ? En effet, la pédagogie d’Intercordia donne une place essentielle à l’écrit comme moyen d’assimilation de l’expérience vécue.
Anne-Elise, fraîchement diplômée de la promotion 2021 nous confirme l'intérêt de cette formation au retour : " Je savais que je
devais écrire mon mémoire, mais j’avais décidé d’attendre la session retour (une semaine après mon retour) pour m’y mettre ; j’avais avant tout besoin d’un temps pour décompresser et prendre du recul. À ce moment-là, j’avais décidé mon sujet, mais je ne trouvais ni problématique, ni plan. Je savais ce que je voulais dire, mais n’en trouvais pas le cadre. La session retour m’aida sur ce point. Tout d’abord le partage de nos expériences respectives, les échanges autours de nos mémoires, les ateliers, et l’entraide du groupe, permettaient de nous remettre dans le travail et de progresser dans la réflexion."
Elisabeth Regnault, enseignante chercheuse de l’Université de Strasbourg et Directrice du Diplôme Universitaire Etude de la coopération et du Développement, témoigne de l’importance de ce séminaire de retour : « Suite à cette expérience internationale et interculturelle, les étudiants et étudiantes ont acquis énormément de compétences d'ordre personnel et professionnel. Sur le plan personnel, ils ont grandi en maturité, ils sont capables de s'adapter à toute situation même difficile. Ils ont pris conscience de leur altérité dans un autre pays et sont plus sensibles à l'altérité des autres en France. Sur le plan professionnel, ils sont plus précis sur leur orientation après l'obtention du diplôme soit en termes de continuation des études vers un Master ou sur le plan du métier choisi. Le séminaire de retour permet aux étudiants de prendre conscience de tous ces acquis. Il leur donner envie de les valoriser et les faire fructifier dans la suite de leur parcours ».
L’écriture du mémoire a comme scellé toute la richesse de l’aventure révélée à soi-même. Qu’en restera-il des années plus tard ? Alors que la vie a repris, que les mois ont passé, le temps de la mission s’éloigne, vient l’heure du bilan.
Lors de la publication de mémoires dans la collection « Trésors cachés de l’expérience interculturelle », leurs auteurs livrent une réflexion renouvelée sur leur expérience. Laissons leur la parole :
Nathalie : " Que dire de plus ? Sinon que la rencontre que j'ai vécu au Brésil reste comme un parfum qui m'accompagne depuis toutes ces années. Il évolue avec le temps, j'ai parfois du mal à le reconnaître, à le retrouver. J’ai parfois peur de l'avoir oublié ou perdu et pourtant, il se rappelle à moi régulièrement avec une puissance intacte ... "
Zoé : " Huit années se sont écoulées… Avec le temps, j’ai surtout gardé en mémoire la richesse des échanges et de mes rencontres sur place….malgré les épreuves vécues…. Elle a donné lieu à beaucoup de réflexions et de remises en question. Je crois que j’ai appris à m’écouter et à découvrir mes limites… Je suis aujourd’hui traductrice… "
Matthieu : "Quelques années après…L’aventure Intercordia, inoubliable, vécue en Inde, m’a permis de prendre du recul sur l’expérience de ma propre vie et d’étendre ma vision du monde….Mon désir de m’orienter vers des métiers d’aide à la personne, se réalise donc, enrichi du souvenir marquant des mois passés en Inde."
Nathalie : " Je suis devenue psychologue… en relisant ce mémoire, en le travaillant à nouveau, j’ai été très étonnée de la puissance et de la vivacité que cette expérience avait toujours dans ma vie . Faire ce travail de relecture a été éprouvant, mais il m’a encore fait avancer : c’est toute la richesse de la rencontre …que j’ai faite… au Brésil et que je continue à faire…Elle bouleverse notre vie en même temps qu’elle l’illumine… je réalise qu’Intercordia accompagne toujours la maturation de cette expérience de la rencontre après tout ce temps…"
Enora : "Au retour, j’ai repris et terminé mes études. Ma vie avait changé, j’avais découvert un autre monde. Je crois que la vie me semblait plus douce, je me sentais riche de toute l’expérience vécue. Aujourd’hui… en Guinée… je suis engagée dans un projet … mon analyse et mon regard ont été nourris de l’apprentissage d’Intercordia…je suis plus critique… je retiens que beaucoup de choses sont possibles…je sais l’importance du rôle de chacun pour …un meilleur vivre ensemble….. Le chemin que j’ai parcouru, sur lequel j’ai progressé… c’est celui de l’interculturalité, de l’ouverture d’esprit à la différence de l’autre…."
Camille : "Je suis revenue depuis deux ans, je travaille en marketing…l’expérience en Colombie m’a donné confiance en moi,…Relire ces 6 mois en écrivant le mémoire a été une vraie chance… pour mettre des mots sur ce que cela m’avait apporté…. Quand je fais face à des évènements inattendus, ou même des difficultés, cela est comme une boite à outils. Je pense à des solutions que j’avais alors pu trouver….
Cette expérience semble avoir ouvert mon cœur, mon goût pour la rencontre, la découverte…. "
Ornella : "Aujourd’hui, j'ai l'impression d'avoir régulièrement des échos de ce que j'ai appris à travers l'écriture de mon mémoire, que ce soit dans ma vie quotidienne, mon travail ou l'actualité politique. La graine plantée par Intercordia continue de pousser ! et continue d'écrire..."
Agathe (Cambodge) : « Je me pose souvent la question : et si je n’avais pas vécu cette expérience, qui serais-je devenue ? Bonne question ! […] J’ai rejoint une très belle entreprise sociale française (BimBamJob) […] et cette orientation professionnelle […] je la dois à l’expérience Intercordia qui m’a permis de prendre le recul nécessaire pour trouver la voie qui me corresponde. Mais bien au-delà de l’aspect professionnel, mon année khmère a transformé et continue de transformer aujourd’hui ma relation aux autres. En effet, je repense très régulièrement à mon expérience au Cambodge, à tout ce que j’ai appris en formation Intercordia, puis expérimenté sur le terrain et analysé à mon retour. J’y repense si souvent car ce sont des savoir-être qui me guident dans mon quotidien, que ce soit dans ma vie personnelle ou professionnelle : l’importance de l’empathie, l’art de l’écoute et de la communication, la richesse de l’interculturalité sous toutes ses formes. »
Ainsi, pas un ne manque de souligner les retombées dans sa vie quotidienne, de cette exceptionnelle aventure. Des années après, la magie Intercordia est là, à chaque instant, au fond de soi.
Revisiter sa vie en l’écrivant, c’est ce type de « Retour » que j’ai choisi avec le livre : Leçons d’un siècle de vie d’Edgar Morin. Témoin des errances et espoirs, des crises et dérèglements de son siècle, ce penseur humaniste nous transmet dans ce livre les enseignements tirés de son expérience de la complexité humaine : « J’essaie de tirer des leçons d’une expérience séculaire et séculière de vie, et je souhaite qu’elles soient utiles à chacun, non seulement pour s’interroger sur sa propre vie, mais aussi pour trouver sa propre Voie. »
En tout premier lieu, sachons, nous dit Edgar Morin, que nous sommes faits d’une identité à la fois « une et plurielle ». « Chacun a l’identité de sa famille, celle de son village ou de sa ville, celle de sa province ou ethnie, celle de son pays, enfin celle plus vaste de son continent ».
Pour lui, «Le refus d’une identité monolithique ou réductrice, la conscience de l’unité/multiplicité de l’identité sont des nécessités d’hygiène mentale pour améliorer les relations humaines ».
Edgar Morin s’interroge sur la façon de penser. La « pensée complexe » dit-il nous aide à réfléchir mieux et à résoudre des problèmes vitaux. Qu’est-ce que la connaissance complexe ? Il s’agit de voir tous les aspects d’une même réalité ou d’un même phénomène. Il ne faut pas prendre une vérité pour toute la vérité. « On tend à réduire autrui à une partie de lui-même ». La lecture des romans de Dostoïevski, lui a permis de plonger dans les profondeurs de la complexité humaine. « Je reçus de Dostoïevski les messages de compassion et de complexité humaine. La compassion pour les humbles, les humiliés et les offensés ne m’a jamais quitté. »
Le « complexe » est tout ce qui est « tissé ensemble », tout ce qui est « relié » : ne pas isoler un événement mais le situer dans son contexte. « Relier, voilà le problème de la complexité », dit-il. Edgar Morin critique le mode de connaissance auquel notre éducation nous a habitués : tout ce que nous apprenons est « disjoint », « compartimenté. » « Savoir distinguer ce qui est autonome ou original et savoir relier ce qui est connecté ou combiné, » même si ce sont des vérités contraires. « Tout le cours de l’éducation, à partir de l’école primaire devrait comporter cette préparation à la vie qui est un jeu ininterrompu de l’erreur et de la vérité ». Il faut apprendre à échapper à la pensée binaire.
A propos de l’action et de la prise de décision, il souligne : puisque tout est relié, « quand vous décidez d’une action, l’action échappe à votre intention à cause des interactions. Il faut savoir que toute décision est un pari. »
Un point qui paraît intéressant : sa capacité à s’étonner et à pratiquer l’autocritique : « Savoir s’étonner sur ce qui semble normal et évident. Autrement dit : problématiser. »… « La problématisation engendre le doute, véritable détoxifiant de l’esprit…Le doute engendre l’esprit critique, qui n’est tel que s’il est aussi autocritique. »
Le passage sur la raison et l’émotion est à remarquer. Il précise que « la raison doit être toujours animée par de la passion, de l’amour. » « Une raison pure et glacée est à la fois inhumaine et déraisonnable. Aussi vivre est-il un art incertain et difficile où tout ce qui est passion, pour ne pas succomber à l’égarement, doit être surveillé par la raison, où toute raison doit être animée par une passion, à commencer par la passion de connaître. La grande leçon que j’en ai tirée, est que toute passion doit comporter de la raison en veilleuse, et que toute raison doit comporter de la passion en combustible. »
Dans le chapitre sur le « Savoir vivre », il développe « l’état poétique » « cet état d’émotion devant ce qui nous semble beau ou/et aimable, non seulement dans l’art, mais également dans le monde et dans l’expérience de nos vies, dans nos rencontres. L’émotion poétique nous ouvre, nous dilate, nous enchante. ».
A la fin de son livre, dans ce qu’il appelle son « Credo », on note un passage éloquent sur la bienveillance : « Je dirai enfin que la conscience de la complexité humaine conduit à la bienveillance (…) Finalement il est bon d’être bon, on se sent bien d’être pour le bien, le sens de la complexité permet de percevoir les aspects différents et contradictoires des êtres et des conjonctures, des évènements, et cette perception favorise la bienveillance.
Ma leçon ultime, fruit conjoint de toutes les expériences, est dans ce cercle vertueux où coopèrent la raison ouverte et la bienveillance aimante ».
Du haut de ce siècle d’existence, E.Morin se retourne sur son parcours et interroge le monde d’aujourd’hui. Une invitation à la lucidité et à la vigilance. Leçons d’un siècle de vie – Edgar Morin Juin 2021 – Editions Denoël
Un article écrit par Françoise Ziegler, tutrice Intercordia